Napalm

C'est une décision qui m'est venue comme ça, un soir où je buvais de la mauvaise vodka pour oublier que n'avais rien de mieux à faire. Ma télévision déversait son flot de merde habituel et j'essayais d'être heureux en regardant des gens sourire dans des pubs pour du jambon sous vide. Puis j'ai décidé de tuer quelqu'un.

J'étais occupé à me dire que l'abominable détergent que j'ingérais me réchaufferait probablement plus une fois enflammé, quand ça m'a frappé. J'étais insignifiant, presque inexistant. Et c'était insupportable. Mais il y avait probablement un avantage à en tirer. J'allais me fabriquer un alter-ego, une image dans l'inconscient collectif. Une menace impalpable, plus grande que la réalité. J'existerai enfin, sous une forme bien plus intéressante que celle que j'avais actuellement. Pour cela il me suffirait juste de mettre à profit mon invisibilité, mon apparence d'être moyen tout juste bon à servir de décor dans un bureau, le genre de mec qu'on aurait bien remplacé par une plante verte si elle avait su taper sur un clavier. J'allais profiter de ce que personne ne me soupçonne pour devenir un instrument de terreur des masses.

Bien entendu, je sais très bien que ça ne viendra pas tout de suite, au début les gens ne feront pas le lien entre les premières disparitions, après tout il y a des fugues tous les jours, et on voit bien assez souvent ces affiches comportant une photo mal scannée et un peu triste d'une adolescente qui sourit aux gens blasés qui la considèrent de toute façon comme déjà morte. Mais j'ai le temps, je ne suis pas pressé.